L'industrie du luxe "test and learn" sa transformation numérique
Source Transformation digitale - J.SIBONI
Selon une récente étude du BCG, l'e-commerce ne représente que 7 % du chiffre d'affaires de l'industrie du luxe, mais près de 6 ventes sur 10 sont influencées par le digital.

Sur toutes les strates technologiques, elle arrive avec un décalage sur les autres secteurs. Il suffit de voir l'année de création des comptes Twitter de certaines marques. Avant 2000, les clients devaient exclusivement venir en boutique. Puis, il y a eu les sites Web institutionnels et, entre 2005 et 2010, le début de l'e-commerce. À partir de 2010, les marques se sont mises au mobile et aux médias sociaux. Aujourd'hui, avec la réalité virtuelle et la réalité augmentée, elles nous emmènent dans de nouveaux univers. Le numérique affecte le luxe et le transfigure complètement, comme ce fut le cas avec l'internationalisation. Il y a trente ans, les grandes maisons hésitaient à ouvrir des boutiques à New York ou Shanghai. Pourquoi le faire ? Nos clients viennent à Paris. Elles ont vu que cela ne faisait pas baisser le chiffre d'affaires de Paris. Avec le digital, la remise en question est plus profonde. Tout oppose le luxe et le digital. Le premier vise
l'élitisme, la rareté, l'intemporalité alors que le second évoque l'universalisme, la profusion, l'instantanéité. Le numérique n'est pas le terrain de jeu favori des marques, mais elles se sont rendu compte qu'il était devenu incontournable.
Comment combler ce retard ?
Les marques savent communiquer de façon innovante, mais elles ont le tort de trop parler d'elles et du produit et pas assez d'expérience. Au lieu de faire du storytelling, elles doivent écouter le client et créer l'histoire avec lui. C'est une posture qui appelle à plus d'humilité. Les marques ont toujours entendu dire du bien d'elles dans la presse de mode qu'elles financent en partie via la publicité. Là, sur les réseaux sociaux, elles sont confrontées aux avis critiques. Ces grandes maisons que sont Dior, Chanel ou Louis Vuitton fabriquent des produits haut de gamme. Ce ne sont pas des sociétés de services comme peuvent l'être les GAFA. Même s'il peut y avoir des ponts entre les deux mondes comme avec l'Apple Watch Hermès, les logiques de fonctionnement sont une fois encore opposées. Les acteurs du numérique sont dans un mode « test and learn » : j'essaie, je teste, ça bogue, je répare, j'avance. En utilisant une version bêta, on accepte l'imperfection. Le luxe, c'est : je teste et je reteste à l'infini et quand je livre le produit, il est parfait. Il n'y a pas d'itérations.
Les marques ont-elles malgré tout une culture de la donnée ?
Le luxe aime bien les cases, les organigrammes. Quand directeur de la transformation digitale (chief digital officer) il y a, il est rattaché à la communication, au marketing ou à la distribution alors qu'il s'agit d'une fonction transverse. Le digital doit irriguer toute l'entreprise. Si le recueil des données est bien fait en boutique ou sur les médias sociaux, il manque une approche macro data. En cartographiant les flux touristiques et en les corrélant avec des taux de change, les marques pourraient, par exemple, adapter l'état des stocks par boutique, par pays, plutôt que de décider par intuition.
- Les grandes marques de luxe sont concernées dans leur mode de communication et dans leur politique de distribution. Burberry en a fait la démonstration. En l'espace de dix ans, la maison londonienne, alors moribonde, est redevenue une marque reconnue en misant tout sur le digital. Pour ne pas écorner leur image, les marques y vont plutôt à pas comptés, en jouant sur la qualité de l'expérience client, forcément de prestige, les ventes privées et les services haut de gamme. - Le numérique change la façon de concevoir les produits. L'impression 3D pour fabriquer des bijoux à façon, des lunettes personnalisées, des accessoires de mode sur mesure. Les textiles deviennent, eux, connectés. Le polo connecté de Ralph Lauren mesure l'activité physique de celui qui le porte (rythme cardiaque, température, nombre de pas, calories brûlées...). En outre, la blockchain peut aussi aider à limiter les cas de contrefaçon